Environnement

Le 22 mars, c’est la Journée Mondiale de l’eau : pourquoi est-elle si nécessaire ?

Tiempo de lectura : 5 minutos

|

Publicado el : 10/03/2025

Aquarelle de la planète Terre, par Elena Mozhvilo

“Je vois que Nos Gestes Climat indique que nous avons une empreinte eau de plusieurs milliers de litres par jour : je crois qu’il y a un problème d’unités.”

Régulièrement, des témoignages convergents nous parviennent depuis notre formulaire pour les retours utilisateurs : “Vous devez vous tromper”. Si seulement nous avions tort !

Une journée mondiale pour accélérer les prises de conscience

Depuis maintenant plus de 30 ans, le 22 mars, l’ONU célèbre la Journée Mondiale de l’Eau. Enfin, comme toute journée mondiale, celle consacrée à l’eau a bien plus pour fonction d’alerter que de célébrer. Chaque année, cette journée se consacre à une problématique bien définie. En 2025, il s’agit des glaciers.

L'affiche ONU de la Journée Mondiale de l'Eau du 22 mars 2025

On parle beaucoup de climat, et moins d’eau. Sur notre territoire, quelques tensions apparaissent, mais globalement nous ne subissons pas de tensions graves sur la ressource. On pourrait croire que tout va bien… Et pourtant, la limite planétaire de l’eau verte a été franchie, et serait en passe de l’être pour l’eau bleue.

Il y a un immense travail de pédagogie à mener au niveau mondial sur la ressource en eau. À notre échelle, c’est ce que l’on tente de faire au travers de l’intégration des toutes dernières données ADEME pour ajouter le calcul de l’empreinte eau à notre calculateur, à côté de celui de l’empreinte carbone. L’eau, c’est probablement l’enjeu planétaire pour lequel il y a le plus de différence entre le niveau de connaissance que l’on croit avoir, et celui que l’on a vraiment.

Alors, si nous reprenions le problème à la source ?

Le cycle de l’eau

“Ce que vous avez appris sur le cycle de l’eau est faux.”

C’est ainsi que Charlène Descollonges, hydrologue, conférencière, ingénieure spécialisée dans la question de la gestion de la ressource en eau, introduit une bonne partie de ses prises de parole sur les enjeux liés à l’or bleu.

Une représentation erronée du cycle de l’eau

Les schémas utilisés pour l’apprentissage du cycle de l’eau ne sont pas à jour des dernières connaissances sur le sujet. Un collectif de chercheurs de l’université de Rennes a étudié en 2019 450 schémas utilisés pour l’apprentissage du cycle de l’eau dans 12 pays. Leurs conclusions sont sans appel : 98% des schémas sont faux.

Mais alors, qu’est-ce qui n’allait pas ? Et surtout, qu’est-ce que ça change ?

Un schéma

Un schéma “classique” utilisé pour l’apprentissage du cycle de l’eau

Le cycle de l’eau est devenu anthropique

Ne trouvez-vous pas que le paysage présenté manque substantiellement d’humains ? À ce jour, rares sont les territoires non impactés par notre présence. Et pour les quelques uns encore épargnés, notre influence se fait toujours ressentir via le climat, ou les pollutions. Or, sur 85% des schémas étudiés par les chercheurs, les impacts des activités humaines ne sont pas représentés.

Pourtant, l’intégralité du cycle de l’eau est affecté par nos modes de vie :

  • Nous avons canalisé les rivières et leurs abords. Elles ne sont plus vivantes, elles sont devenues “des autoroutes à eau”.
  • Nous avons réduit l’emprise des forêts, qui régulent le cycle de l’eau.
  • Nous avons artificialisé une grande partie des sols. Soit définitivement, en les imperméabilisant, soit en les sur-travaillant (dans le cadre d’une agriculture intensive), de sorte qu’ils ne peuvent plus jouer leur rôle de filtration et d’alimentation des nappes phréatiques.
  • Nous avons pollué les eaux, par de nombreux rejets toxiques, en trop grandes quantités pour être absorbés.
  • Nous avons détourné les cours d’eau, pour les besoins de nos industries, de notre agriculture, de notre production d’énergie.
  • Et enfin, nous sommes en train de dérégler le climat mondial, ce qui a également un gros impact sur cette ressource si précieuse.

Les pluies ne viennent pas uniquement des océans

En moyenne, seul le tiers des pluies qui tombent sur les continents proviennent de l’évaporation des océans. Et cela change littéralement tout. Car en pensant le contraire, nous avons fait les choses de travers…

  • Nous avons fléché toute l’eau vers les cours d’eau. Si les pluies nous viennent de la mer, autant tout y renvoyer ! Résultat, alors qu’une goutte d’eau devrait en moyenne mettre plusieurs jours à retrouver la mer, elle la regagne aujourd’hui en quelques heures.
  • Nous n’avons pas compris l’importance d’alimenter les sols en eau, et on a sous-estimé leur capacité de filtration (néanmoins, elle a ses limites). Quand les centres d’épuration débordent, tout part en rivière ! Or celle-ci ne devrait accueillir qu’une eau claire, purifiée par ses déambulations dans plusieurs couches d’humus, de terres, de végétaux, de minéraux.

Les pluies viennent des végétaux

Une forêt tropicale - une photo de Boudewijn Huysmans

Elles viennent, plus précisément, de leur évapotranspiration, phénomène de transpiration des plantes qui permet aux plantes de faire circuler la sève et les sels minéraux, et de se rafraîchir. Comme nous, les humains !

Il ne pleut pas dans les déserts, car pour qu’il pleuve, il faut un couvert végétal. Les arbres sont littéralement les champions de l’évapotranspiration, et parmi eux, les plus forts sont les feuillus : un chêne mature peut évapotranspirer de 500 à 1000L d’eau par jour.

Il a même été démontré que les forêts pouvaient déclencher leurs propres pluies !

Alors bien sûr, un arbre seul ne peut rien. C’est pourquoi on parle de “couvert végétal”. C’est une boucle de rétroaction positive : plus de végétal amène plus d’eau, qui amène plus de végétal.

Mais au niveau mondial, la déforestation est encore un phénomène d’ampleur.

De la pertinence de l’empreinte eau

Certes, nous sommes la “planète bleue”. À l’échelle mondiale, nous ne manquons pas d’eau. Mais seule une toute petite partie est accessible et potentiellement potable. Et par nos modes de vie, nous affectons la quantité, et la qualité de cette eau disponible, un peu partout sur la planète.

Les impacts ne sont pas directs, on ne les mesure pas dans nos robinets. Mais voici comment ils se traduisent :

  • Hausse des anomalies de précipitations sur les territoires : dans le temps (les précipitations sont moins régulières et se concentrent dans des “pics” difficilement gérables), et dans l’espace (des territoires reçoivent de moins en moins d’eau, d’autres sont de plus en plus sujets aux inondations).
  • Hausse des phénomènes météorologiques violents : moins bien absorbée par les sols et les végétaux, l’eau passe plus de temps dans l’atmosphère, participe à l’augmentation des températures, et à l’apparition de cyclônes et tempêtes.
  • Conflits d’usages de l’eau : les tensions sur la ressource sont d’ores et déjà la cause de conflits, d’extinctions d’espèces, de migrations de populations (humaines, animales, végétales).

Une partie de ces conséquences est lointaine. Mais dans nos vies mondialisées, le retour de bâton n’est jamais très loin : par exemple, il faut 22 000 m³ d’eau pour extraire une tonne de lithium, un minerais critique pour la fabrication de machines sur batterie (du numérique aux voitures), que l’on retrouve en grande partie dans des zones déjà très soumises à la sécheresse, en Amérique latine ou en Australie.

Le calcul de l’empreinte eau nous permet de saisir à quel point nous participons à l’amplification de ces phénomènes. Mon alimentation participe-t-elle à la déforestation au Brésil ? Ma garde-robe est-elle liée à l’augmentation de périodes de sécheresses en Chine ?

Des droits à l’eau ?

Tout comme le 8 mars, nous ne célébrons pas les femmes mais le fait de se battre pour leurs droits, serait-il possible que le 22 mars nous nous battions pour les droits de l’eau ? C’est ce que propose entre autres Charlène Descollonges. En attendant des droits pour nos rivières, penchons-nous, chacun, chacune, sur notre empreinte eau.

L’eau mérite que l’on en parle, et que l’on s’y intéresse. Le 22 mars bien sûr… mais aussi à chaque gorgée.

Alors, de ce pas, je calcule mon empreinte eau !

Julie,

Julie est engagée depuis plus de dix ans dans la transition de notre société. Elle a rejoint l'équipe de Nos Gestes Climat en 2023 en tant que spécialiste carbone, et veille à la pédagogie du calculateur et des contenus publiés.