L’urgence de réduire nos empreintes face aux neuf limites planétaires
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|Publié le : 28/01/2025
Sommaire
Comprendre les limites planétaires pour agir efficacement
Grâce au calculateur Nos Gestes Climat, le calcul de votre empreinte carbone et de votre empreinte eau permet de mieux appréhender l’impact de vos choix de vie. Mais ces empreintes ne représentent qu’une partie des défis écologiques auxquels nous faisons face.
En effet, les limites planétaires font de plus en plus parler d’elles, et pour cause ! Ces seuils critiques, définis par des scientifiques, préservent l’équilibre indispensables au bon fonctionnement de notre planète Terre. Elles permettent de comprendre les enjeux globaux comme la préservation de la biodiversité, le maintien des cycles de l’eau ou encore la stabilité du climat. Aujourd’hui, six de ces neuf limites sont déjà franchies et une septième limite s'apprête à être dépassée. Ce constat alarmant reflète un modèle de consommation et de production qui menace directement les conditions nécessaires à la vie sur Terre.
Nos empreintes individuelles ne suffisent pas. Elles doivent s’inscrire dans une approche collective pour respecter ces frontières écologiques et soutenir la résilience de notre planète.
Quels sont les limites planétaires ?
Définies en 2009 par une équipe de 28 chercheurs internationaux dirigée par Johan Rockström au Stockholm Resilience Centre, les neuf limites planétaires 1 offrent une vision d’ensemble des défis écologiques majeurs auxquels l’humanité fait face aujourd’hui. En effet, ces limites préservent l’équilibre et la stabilité de notre système Terre.
Ces limites concernent le climat, la biodiversité, les cycles de l’azote et du phosphate, l’usage des sols, l’acidification des océans, l’utilisation de l’eau douce, les forêts, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, les aérosols émis dans l’atmosphère et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.
Les scientifiques ont identifié ces neuf limites planétaires, appelées aussi frontières planétaires, pour anticiper les risques et éviter de franchir des seuils qui pourraient déstabiliser de manière irréversible l’environnement. Chaque dépassement augmente le risque de bouleversements majeurs pour les écosystèmes et les êtres vivants.
Ces limites servent aujourd’hui comme outil d’analyse et de prise de décision par des institutions internationales comme les Nations Unies ou la Commission Européenne. Elles permettent de relier les défis environnementaux globaux et d’agir avant qu’un point de bascule ne soit atteint.
Aujourd’hui, six limites sont déjà dépassées et la septième approche. Cela témoigne de l’urgence d’agir, d’identifier des leviers d’action les plus efficaces pour inverser la tendance.
Les neuf limites planétaires sont :
- Le changement climatique : l'augmentation des gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone (CO2), bouleverse l'équilibre climatique de la planète. Cela provoque une élévation des températures mondiales, perturbe les écosystèmes et menace leur stabilité.
- L’érosion de la biodiversité : la disparition rapide d’espèces animales et végétales réduit la résilience des écosystèmes face aux perturbations et compromet les services qu’ils rendent à la planète.
- Les perturbations des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore : l’agriculture intensive et l’utilisation massive d’engrais, en particulier, provoquent des pollutions importantes des eaux et des sols.
- Le changement d’usage des sols : la destruction des forêts, des zones humides et d’autres espaces naturels en terres agricoles ou urbaines réduit la biodiversité et la capacité des sols à stocker le carbone.
- L’acidification des océans : les océans absorbent une grande partie du dioxyde de carbone atmosphérique, ce qui diminue leur pH. Ce phénomène menace la faune marine et réduit l'efficacité des océans en tant que puits de carbone.
- L’utilisation et cycle de l’eau douce : la surexploitation des ressources en eau douce, qu’il s’agisse des rivières, des nappes phréatiques ou de l’humidité des sols met en danger les écosystèmes aquatiques et réduit la disponibilité de l’eau pour l’homme et les autres espèces.
- L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : l’amincissement de la couche d’ozone dans la stratosphère est principalement causé par des substances comme les chlorofluorocarbures (CFC), utilisés dans les systèmes réfrigérants, les climatisations et les bombes aérosols, ou les hydrochlorofluorocarbures (HCFC), développés en remplacement des CFC. D'autres composés, tels que les halons (extincteurs), le tétrachlorure de carbone (solvants industriels) et le bromure de méthyle (fumigation agricole), contribuent également à ce phénomène, augmentant ainsi l’exposition aux rayons UV nocifs.
- L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère : la hausse des particules en suspension dans l'air influence le climat en modifiant les températures et les précipitations
- L’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère: microplastiques, polluants chimiques, perturbateurs endocriniens, matériaux radioactifs… Ces substances introduites par l’homme perturbent les écosystèmes et s’accumulent de manière préoccupante.
Combien de limites planétaires ont été dépassées ?
Aujourd’hui, en 2025, sur les neuf limites planétaires identifiées, six ont déjà été franchies.
En 2009, lors de l’introduction du concept, sur les sept limites définies, trois avaient déjà été franchies. En 2015, une quatrième limite a été dépassée. Plus récemment, en 2023, après l’ajout de deux nouvelles limites, on observe que six limites sont désormais franchies ce qui indique une tendance préoccupante.
Le dépassement de ces limites signifie que nous entrons dans une zone de risques accrus, où la résilience des écosystèmes est compromise et l'équilibre du système Terre est menacé. Chaque limite franchie augmente la probabilité de changements environnementaux abrupts ou irréversibles, mettant en péril la vie sur Terre. De plus, ces limites sont interconnectées et interdépendantes, ainsi, le dépassement de l'une peut influencer les autres et amplifier les perturbations environnementales.
Ces dépassements augmentent la probabilité d’atteindre des points de basculement, ou « tipping points », qui sont des seuils critiques au-delà desquels un système subit des changements drastiques et souvent irréversibles. Par exemple, la fonte des glaces de l'Arctique peut atteindre un point où la rétroaction positive accélère la disparition de la banquise, modifiant les courants océaniques et climatiques. De même, la déforestation massive peut conduire à l'effondrement d'écosystèmes entiers, entraînant la perte de biodiversité et la perturbation des cycles biogéochimiques.
Les limites déjà franchies
Le changement climatique
La limite climatique est définie par la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Historiquement, cette concentration oscillait autour de 280 parties par million (ppm) à l’ère préindustrielle. Les scientifiques estiment qu’un seuil de sécurité se situe entre 350 et 450 ppm. Aujourd’hui, nous atteignons environ 420 ppm (3, témoignant de l’impact direct des activités humaines notamment la combustion des énergies fossiles. Cette situation accélère les bouleversements climatiques, Par exemple, la fonte irréversible de la banquise arctique et des glaciers himalayens entraînerait une élévation significative du niveau des mers, modifiant les écosystèmes côtiers et menaçant des millions de personnes vivant dans les zones littorales. De plus, la disparition des glaciers perturbe les cycles hydriques, affectant l’approvisionnement en eau douce de nombreuses régions qui en dépendent pour l’agriculture et la consommation humaine.
L’érosion de la biodiversité
Cette limite évalue la disparition des espèces et est malheureusement largement dépassée, avec 1 million d’espèces animales et végétales menacées d’extinction. Le rythme actuel d’extinction est de 10 à 100 fois plus élevé que la moyenne des 10 derniers millions d’années 4. Ce constat alarmant résulte principalement des activités humaines, notamment la déforestation, l’agriculture intensive, la pollution et le changement climatique.
Chaque disparition fragilise les écosystèmes, réduisant leur résilience et leur capacité à fournir des services écosystémiques essentiels.
Les perturbations des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore
Les cycles de l’azote et du phosphore sont nécessaires à la fertilité des sols et à la productivité agricole mais sont gravement perturbés. L’usage excessif d’engrais dans l’agriculture industrielle engendre une pollution massive des sols et des eaux, provoquant des phénomènes d’eutrophisation dans les milieux aquatiques 5. Ce processus désigne une prolifération excessive d’algues et de micro-organismes dans les écosystèmes aquatiques. Ces algues consomment l’oxygène dissous dans l’eau lorsqu’elles se décomposent provoquant des zones mortes où la vie marine ne peut plus prospérer. L’eutrophisation menace donc directement la biodiversité aquatique et peut également nuire à la santé humaine via la contamination de l’eau potable ou la production de toxines par certaines algues.
Le changement d’usage des sols
La déforestation et l’expansion des terres agricoles, souvent au détriment des forêts tropicales et boréales, transforment profondément les paysages terrestres. Ces écosystèmes essentiels couvrent aujourd’hui seulement 62 % de leur superficie initiale, bien en deçà du seuil critique estimé par les experts, qui affirment que 75 % de la superficie forestière « originelle » doit rester boisée 6. Les forêts ont un rôle fondamental dans le fonctionnement de notre planète. Elles ne sont pas seulement des puits de carbone capables d’absorber une part importante des émissions de CO2, elles régulent aussi le cycle de l’eau, stabilisent les sols et abritent de nombreuses espèces terrestres. Les arbres, en interaction dans leur écosystème forestier, créent un réseau vivant incroyablement puissant. Ils filtrent l’air, stockent l’eau et protègent la biodiversité. Regroupés en forêts, les arbres deviennent des remparts naturels contre les dérèglements climatiques et les catastrophes écologiques. La perte de ces habitats menace directement la biodiversité et réduit la capacité de la Terre à amortir les chocs environnementaux. Préserver les forêts, c’est protéger la vie sous toutes ses formes et garantir l’équilibre de notre système Terre.
L’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère
Cette limite, récemment identifiée, concerne les produits chimiques, plastiques et autres matériaux synthétiques introduits par l’homme dans les écosystèmes. Depuis 1950, la production de ces substances a été multipliée par 50 et leur dissémination globale est devenue incontrôlable 7. Peu d’entre elles ont été évaluées pour leurs impacts sur la santé humaine et l’environnement, ce qui augmente les risques liés à leur accumulation.
L’utilisation de l’eau douce : la dernière limite franchie
La gestion de l’eau douce est devenue critique marquant le dépassement récent d’une nouvelle limite planétaire. Si les prélèvements d’eau bleue (lacs, rivières, nappes phréatiques) restent globalement en dessous des seuils critiques à l’échelle mondiale, des tensions locales accrues fragilisent les écosystèmes aquatiques et limitent leur capacité à fournir des services essentiels. Par ailleurs, l’eau verte (humidité des sols) est de plus en plus perturbée avec des sols asséchés dans certaines régions et saturés dans d’autres. Ces déséquilibres affectent la productivité agricole, exacerbent l’insécurité alimentaire et réduisent les rôles des écosystèmes en tant que puits de carbone ou habitats pour la biodiversité 8.
Limites planétaires et jour du dépassement : quelle différence ?
Très médiatisé et souvent confondu avec les limites planétaires, le jour du dépassement calcule la date à laquelle l’humanité a consommé toutes les ressources que la Terre peut régénérer en une année. En 2024, ce seuil a été atteint le jeudi 1er août, marquant un nouveau record préoccupant. Cet indicateur, publié chaque année par le Global Footprint Network, illustre l’accélération de notre surconsommation : en 2024, il nous aurait fallu 1,7 Terre pour répondre à notre consommation de ressources.
Contrairement à cette approche annuelle, les limites planétaires évaluent des processus systémiques globaux et intègrent le principe de précaution pour éviter les points de rupture irréversibles.
Ces deux notions sont donc complémentaires : le jour du dépassement alerte sur notre surconsommation immédiate, tandis que les limites planétaires analysent les seuils critiques nécessaires pour garantir la résilience du système Terre.
Réduire nos empreintes pour respecter les limites planétaires
Chaque geste, chaque choix que nous faisons laisse une empreinte. Notre empreinte carbone et notre empreinte eau, bien qu’elles soient des indicateurs individuels, reflètent des pressions collectives sur les limites planétaires. Réduire ces empreintes, c’est agir directement sur des enjeux globaux tels que le climat, les ressources en eau et la biodiversité.
L’empreinte carbone : un levier à fort impact
Le carbone occupe une place centrale dans la problématique des limites planétaires. Si toutes les limites sont importantes, le climat se distingue par son influence sur l’ensemble des autres processus écologiques. En effet, les émissions de gaz à effet de serre que nous mesurons dans le calcul de l’empreinte carbone impactent directement plusieurs processus du système Terre. L’augmentation du dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère contribue au réchauffement climatique mais elle agit également sur l’acidification des océans et la destruction des habitats naturels. En mesurant son empreinte carbone puis en adoptant des modes de vie bas carbone en privilégiant les mobilités douces, en changeant ses habitudes alimentaires (moins de viande) et en réduisant sa consommation majoritairement d’objets, nous pouvons contribuer à ralentir ces tendances.
L’empreinte eau : préserver une ressource fragile
L’eau est une ressource indispensable mais fragile, directement liée à plusieurs limites planétaires comme l’utilisation de l’eau douce, l’érosion de la biodiversité ou encore le changement climatique.
En moyenne, un individu consomme indirectement de 4 000 à 9 000 litres d’eau par jour, principalement à travers les aliments et les produits qu’il utilise. Réduire cette empreinte eau en optant pour des régimes moins gourmands en ressources, comme une alimentation végétale, en privilégiant une gare robe responsable ou en limitant le gaspillage contribue à la préservation des ressources en eau douce et à la résilience des cycles hydriques.
Calculer ses empreintes pour agir efficacement
Réduire nos empreintes carbone et eau est un point de départ concret pour respecter les limites planétaires. En les mesurant grâce au calculateur Nos Gestes Climat, vous identifiez vos principaux leviers d’action. Ces données précieuses permettent de mieux comprendre vos impacts individuels et de prioriser les gestes qui contribuent à préserver notre planète.
La planète est sous pression
Les points clés à retenir
- Les limites planétaires offrent une vision globale des enjeux écologiques : elles identifient neuf processus essentiels pour la stabilité du système Terre.
- Six limites déjà dépassées sur neuf identifiées : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles biogéochimiques, le changement d’usage des sols, l’introduction d’entités nouvelles et l’utilisation de l’eau douce dépassent désormais leurs seuils critiques.
- L’acidification des océans pourrait bientôt franchir sa limite (9): cette menace souligne l’urgence d’actions concrètes pour limiter les émissions de CO2 qui accélèrent ce phénomène.
- L’empreinte carbone et l’empreinte eau comme premier pas : ces deux indicateurs permettent de comprendre et réduire notre impact sur deux limites majeures, tout en sensibilisant à leur interconnexion avec d’autres processus.
- Agir localement pour un impact global : chaque geste compte. Respecter les limites planétaires exige de sensibiliser et d’éduquer sur ces enjeux. À toutes les échelles, individuelle, collective ou nationale, évaluer avec précision les impacts locaux permet de mettre en place des actions ciblées et efficaces. Ces initiatives doivent s’inscrire dans une vision durable et à long terme, résiliente face aux aléas politiques, tout en s’alignant sur des objectifs communs à l’échelle nationale et internationale.
SOURCES :
Amanda,
Amanda est rédactrice pour le blog Nos Gestes Climat. Spécialisée dans le numérique responsable, elle aide à réduire l'empreinte numérique tout en sensibilisant et en informant sur les pratiques les plus durables.