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Vers une alimentation durable : comprendre les enjeux et agir pour des assiettes responsables

Temps de lecture : 6 minutes

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Publié le : 29/04/2025

Un marché parisien sous le soleil

Une tomate en hiver sous serre chauffée, du poulet en nuggets, du riz précuit venu de loin…Aujourd’hui, nos assiettes mélangent produits hors saison, ultra-transformés, importés. Derrière cette diversité, on retrouve souvent les mêmes recettes : des aliments disponibles toute l’année, produits vite et pas cher, bien loin des principes d’une alimentation durable.

Adopter une alimentation durable, c’est choisir une façon de se nourrir qui respecte à la fois la planète, notre santé et celles et ceux qui produisent ce que l’on mange.

Depuis les années 1950, notre façon de produire et de consommer a changé à toute vitesse. Grâce aux avancées agricoles et aux transports modernes, l'alimentation s'est mondialisée et standardisée, apportant abondance et diversité.

Mais cette transition s’est faite au prix fort : industrialisation des cultures, explosion des produits ultra-transformés, spécialisation extrême des territoires agricoles... À force d’optimiser la production et d'invisibiliser les distances, notre système alimentaire a fragilisé les sols, l’eau, le climat, la résilience territoriale et jusqu’à notre santé.

Mais comment en est-on arrivé là ? Pour y voir plus clair, et mieux savoir quoi changer, il faut d’abord comprendre ce qui a transformé notre rapport à l’alimentation. Ce recul est essentiel pour comprendre comment adopter une alimentation plus durable dans notre quotidien.

Alimentation durable : comment notre système alimentaire a basculé en quelques décennies

Pendant des siècles, on mangeait ce qu’on produisait ou trouvait à proximité de chez soi, en fonction des saisons et des seules ressources disponibles sur son territoire. Pas de fraises en hiver, peu de produits transformés. Mais au tournant du XXe siècle, plusieurs bouleversements accélèrent le changement :

  • La mécanisation agricole transforme les méthodes de culture. Tracteurs, moissonneuses-batteuses, systèmes d'irrigation modernisés augmentent massivement les rendements. Les parcelles s’agrandissent, c’est le remembrement.
  • L'essor des transports — camions, trains, bateaux, avions — rend possible l'acheminement rapide des denrées sur de longues distances.
  • La spécialisation agricole voit des régions entières se consacrer à quelques productions : céréales en Beauce, élevage porcin en Bretagne, fruits dans la Drôme…
  • La mondialisation des échanges alimentaires ouvre les marchés, facilite l'importation massive de produits venus de loin, et contribue à déconnecter nos repas quotidiens de la production locale.
  • Pour répondre à la demande croissante d’après-guerre, l’ensemble de la chaîne de production alimentaire a été repensé pour produire vite, en grande quantité, et à bas coût — faisant de la France le premier producteur agricole d’Europe.
  • La généralisation des supermarchés modifie les circuits d’approvisionnement. L’alimentation passe de plus en plus par des réseaux standardisés, contribuant à la déconnexion des consommateurs avec les lieux de production.

Ces évolutions n’ont pas seulement changé nos menus : elles ont bouleversé notre rapport à l’alimentation. En deux générations, le lien avec les saisons s’est effacé, les origines et les modes de production sont devenus flous.

Aujourd'hui, un repas courant peut combiner des produits venus des quatre coins du monde, des fruits et légumes qui ne sont pas de saison, ou un “poisson” pané qui, une fois transformé, ne ressemble plus vraiment à du poisson. Et nous ne voyons rien d’anormal à cela.

Mais à force d’optimisations, notre système alimentaire s’est fragilisé.

Premier problème : les émissions de gaz à effet de serre.

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Empreinte carbone de la phase agricole de l’alimentation des Français. Source : ADEME. Crédit : ARTCOM

Alimentation durable : où se cache vraiment notre empreinte carbone ?

L’empreinte carbone de notre alimentation représente 22% de l’empreinte de notre consommation totale, c’est en moyenne le deuxième poste d’empreinte après les transports pour les Françaises et Français. Elle représente en moyenne 2,1 tonnes eqC02 par an et par personne…soit quasiment l’objectif de 2 tonnes par personnes inscrit dans l’Accord de Paris, mais pour l’ensemble des postes d’émissions.

Mais où se cache tout ce carbone ? Allons voir ça de plus près.

1. Un modèle agricole intensif très émetteur de carbone

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n’est pas le transport qui pèse le plus lourd sur le climat : c’est la production agricole elle-même. Notre agriculture est aujourd’hui majoritairement productiviste : cultures intensives, parcelles immenses, tracteurs puissants, engrais de synthèse.

Produire nos aliments demande beaucoup d'énergie et de ressources dès le départ :

  • utilisation d’engins agricoles de plus en plus puissants,
  • production d’intrants : fertilisants et insecticides,
  • recours important à des serres chauffées.

Résultat : en moyenne, la production agricole représente deux tiers des émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation.

Focus : la viande, cet aliment qui pèse lourd…

À elle seule, la viande pèse 70 % de l’empreinte carbone liée à notre alimentation. La production de viande, en particulier de viande rouge, est l’une des principales sources d’émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi ?

L’empreinte de la viande est importante car son empreinte comprend toute l’alimentation qu’il a fallu produire pour nourrir les bêtes. En France, 47% des terres cultivées le sont pour l’alimentation animale !

L’empreinte carbone des ruminants (vaches, chèvres et moutons) est encore beaucoup plus élevée (elle est même doublée par rapport à la volaille ou au porc) car ces animaux émettent par leur digestion un puissant gaz à effet de serre : le méthane.

2. Transport et distribution, une empreinte non négligeable

Après la production agricole, le transport et la distribution des aliments représentent une autre source importante d’émissions.

En France, 19 % de l’empreinte carbone de notre alimentation est liée au transport.

Et cela concerne bien plus que l’importation de produits exotiques (qui peut être relativement faible si l'import ne se fait pas en avion, voir l'infographie ci-dessous réalisée par ImpactCO2) : 30 % du transport de marchandises en France est dédié aux produits agricoles et alimentaires, avec une majorité d'acheminement par camions pour approvisionner la grande distribution.

Attention : un produit local n’est pas toujours synonyme d’empreinte carbone minimale. Un camion peu rempli, même sur une courte distance, peut générer plus d’émissions par kilo transporté qu’un cargo bien optimisé venant de plus loin. Aussi, attention à l’empreinte du dernier kilomètre : privilégiez les modes actifs pour aller faire vos courses !

Une fois arrivés en magasin, nos aliments continuent de consommer de l'énergie : selon l’ADEME, la réfrigération des produits en rayons représente 40% de la consommation d’énergie du secteur de la distribution alimentaire.

Envie de savoir où vous en êtes, concrètement ?

Faites le test avec Nos Gestes Climat pour découvrir l’empreinte écologique de votre alimentation…et des conseils pour l’alléger !

Alimentation durable : comment notre agriculture épuise et dégrade les sols

Pour produire toujours plus, notre modèle agricole n’a pas seulement intensifié l’usage des intrants : il a aussi étendu son emprise sur les espaces naturels. Aujourd'hui, l'agriculture occupe plus de la moitié du territoire français.

Grignoter les terres a permis d’augmenter les surfaces cultivées, mais au prix d’une dégradation massive des écosystèmes naturels :

  • forêts,
  • prairies,
  • zones humides.

Dans les campagnes françaises, la transformation est aussi visible : sous l’effet de la mécanisation et du remembrement (= regrouper les parcelles de terres pour former des champs plus grands et accessibles aux tracteurs), environ 23 000 kilomètres de haies disparaissent chaque année.

Pourtant, ces haies ne sont pas de simples éléments de décor :

  • elles abritent une biodiversité précieuse,
  • protègent les sols de l’érosion,
  • favorisent l’infiltration de l’eau,
  • et participent au bon fonctionnement des écosystèmes agricoles.

L’extension des cultures, combinée à l’intensification des pratiques, appauvrit ainsi doublement les territoires :

  • en détruisant les habitats naturels,
  • et en fragilisant les sols qui soutiennent la production agricole elle-même.

On parle beaucoup de l’impact carbone de notre alimentation, mais l’empreinte eau est encore plus impressionnante : elle représente environ les deux-tiers de notre empreinte totale en eau. Chaque jour, ce sont ainsi plusieurs milliers de litres d’eau qui sont nécessaires pour produire la nourriture que nous consommons !

Notre système alimentaire actuel, loin d'une alimentation durable, épuise les ressources, fragilise le climat et détruit la biodiversité, contribuant ainsi au dépassement de plusieurs limites planétaires (pour en savoir plus, jetez un oeil à notre article de blog consacré aux neuf limites planétaires). Il a aussi un coût pour notre santé : les liens entre mauvaise alimentation et maladies chroniques (certains cancers, diabète, maladies cardio-vasculaires, obésité, sont aujourd’hui bien documentées.

À l’inverse, alimentation durable et santé vont souvent de pair : manger plus végétal, local et moins transformé contribue à préserver notre équilibre nutritionnel.

Vous l’aurez compris, c’est tout notre système alimentaire qui est à repenser, et notre manière de nous nourrir à faire évoluer. Heureusement, des solutions concrètes existent pour tendre vers une alimentation durable !

Comment adopter une alimentation plus durable ?

On ne va pas se mentir : changer nos habitudes alimentaire n’est pas évident. Elles sont souvent héritées et transmises depuis l’enfance, profondément ancrées en nous. Elles nous servent de repères, façonnées par notre éducation, notre culture et notre environnement. Mais il n’y a qu’en comprenant les racines profonde d’un problème que le changement devient plus naturel, plus évident. Voici donc quelques exemples d’alimentation durable à mettre en pratique.

6 gestes simples pour une alimentation durable au quotidien :

Une tablée avec des produits végétaux et des gens, vue du dessus

1. Manger local et de saison

Manger local et de saison, c’est réduire la distance que parcourent nos aliments et éviter les cultures sous serre chauffée, très gourmandes en énergie. Par exemple, une tomate cultivée sous serre chauffée émet jusqu’à 7 fois plus de CO₂ qu’une tomate de saison cultivée en plein champ !

Quelques gestes faciles :

2. Réduire le gaspillage alimentaire

Chaque Français jette en moyenne 25 kg d’aliments encore mangeables chaque année, soit environ 100 € directement à la poubelle ! C’est autant d’eau, d’énergie et de terres agricoles gaspillées inutilement.

Pour changer ça facilement :

  • Faire une liste avant de faire les courses.
  • Bien conserver ses aliments.
  • Apprendre à cuisiner ses restes pour éviter de les jeter.

3. Réduire sa consommation de viande

Limiter la viande, surtout la viande rouge, est l’une des actions les plus efficaces pour diminuer notre empreinte environnementale, et tendre vers une alimentation bas carbone. En manger moins, c’est aussi l’occasion de mieux choisir, et de privilégier ainsi une viande locale, issue de pâturages ou d’élevages en plein air, notamment pour la volaille.

4. Privilégier les aliments bruts

Moins un aliment est transformé, plus son impact environnemental est limité. Privilégier les aliments bruts (fruits, légumes, céréales, légumineuses) limite aussi l’impact carbone lié à leur transformation industrielle et à leur emballage excessif.

Besoin d’inspiration ? Découvrez ces idées de recettes de cuisine savoureuses à base de légumes et de légumineuses !

5. Moins d’emballages, plus de vrac

85 % de nos déchets ménagers sont des emballages alimentaires qu’il faut collecter, traiter, recycler ou incinérer. Ces déchets ont une empreinte non négligeable, d’autant que trop peu recyclés : seuls 25% des déchets plastiques sont collectés pour le recyclage en France, selon l’ADEME.

Gestes simples :

  • Privilégier les aliments moins emballés, ou avec un emballage en carton, plus facile à recycler.
  • Privilégier les achats en vrac.
  • Faire ses courses avec ses sacs en tissu ou bocaux réutilisables.

6. Redonner du sens à nos choix alimentaires

Et si notre assiette racontait une histoire locale, savoureuse et pleine de sens ? Acheter près de chez soi, suivre les saisons, discuter avec son maraîcher ou sa maraîchère, découvrir des variétés anciennes : c’est retrouver du goût et redonner du sens à ce que nous mangeons chaque jour.

Bien manger devrait être un droit pour toutes et tous. C’est l’ambition de la Sécurité Sociale de l’Alimentation, une démarche en cours d’expérimentation dans plusieurs territoires. Inspirée du modèle de la Sécurité sociale, elle vise à garantir un accès universel à une alimentation durable, choisie collectivement.

Changer durablement notre manière de manger, ce n’est pas seulement réduire notre empreinte. C’est aussi retrouver du plaisir et du sens à chaque bouchée.

Alors, on s’y met ?

Pour commencer, pourquoi ne pas calculer dès maintenant l’impact réel de son assiette (et pas que) ?

Je fais le test avec Nos Gestes Climat

Cet article s’appuie principalement sur les données et analyses du guide “Tout comprendre : une alimentation plus durable” publié en 2024 par l’ADEME.

Portrait de Myriam Blal

Myriam,

Myriam est journaliste de métier, passionnée par les mots justes et les idées claires. Elle s’attache à écrire des textes accessibles, qui parlent à tout le monde, sans jargon. Elle contribue au blog de Nos Gestes Climat en tant que rédactrice depuis 2025.